jeudi 14 janvier 2010

Copé : la tactique de l’autodéclaré

La scène se déroule à l’Élysée, en février 2009, dans le bureau d’Henri Guaino.Un parlementaire UMP alerte le proche conseiller du président:«Vous sous-estimez le problème Copé.Vous sous-estimez la machinerie qu’il monte à l’Assemblée, le travail de fond qu’il accomplit.
Il devient incontournable. Lui se crée un vrai réseau de députés. Et à propos d’idées, pardon, la seule boutique interne à l’UMP, c’est quand même la sienne, son club, Génération France. »
Copé, l’homme pressé, l’ouvrage de deux journalistes politiques,Solenn de Royer (la Croix) et Frédéric Dumoulin (AFP), paru la semaine dernière aux éditions de l’Archipel,raconte à travers le témoignage de plus de 250 personnes comment Copé,viré du gouvernement par Nicolas Sarkozy,rétrogradé à la présidence du groupe UMP à l’Assemblée nationale en 2007, a réussi à se construire une stature de premier “opposant de l’intérieur”à Sarkozy,de futur présidentiable.
Après,pourtant,des débuts au Palais- Bourbon que Copé lui-même qualifie de « catastrophiques ». «C’était comme s’il y avait écrit sur son front: “Je me fais chier avec vous, je suis tellement meilleur que vous », confie Jérôme Lavrilleux, son directeur de cabinet. Il mène les députés à la baguette, bouscule ses troupes,multiplie les faux pas. Deux ans et demi après,la situation s’est renversée. « Pour avancer, il a trouvé la clé: créer le rapport de force avec l’Élysée, valoriser le travail des députés, les sortir du rôle de godillots dans lequel l’exécutif souhaite les enfermer, se porter garant de leur indépendance, de leur liberté. Jean- François Copé leur rend leur fierté.» «La seule personne qui compte désormais à l’Assemblée, c’est Copé », résume Jean- Louis Debré.« Il ne muselle pas les députés UMP, il garantit le débat et en même temps, quand il siffle la fin de la récréation, tout le monde se met sur la ligne », ajoute Marie-Anne Montchamp, la député du Val-de-Marne. Mieux, la petite phrase de Chantal Brunel, alors porte-parole de l’UMP, aux journées parlementaires de l’UMP:«Copé est un peu devenu un vice-premier ministre.» «Elle illustre cruellement le poids pris par Jean-François Copé au détriment de François Fillon », notent les auteurs.
La constitution de son réseau de parlementaires, depuis 2007,est passée du stade artisanal au stade industriel.« Il tente de fidéliser tous les oubliés, évincés, humiliés, toutes les “gueules cassées”du sarkozysme. » La député des Alpes-Maritimes Michèle Tabarot estime qu’aujourd’hui une bonne centaine de membres du groupe sont “copéistes”. Et parallèlement, Copé étoffe son club politique, Génération France, créé à la fin 2006. À l’époque, ceux qu’il sollicitait se détournaient de lui, « de peur d’être mal vus par Sarkozy ».Maintenant, le club, dont Copé veut faire le premier think tank français, affiche 4000 adhérents.
Quatre-vingts antennes locales du club ont été inaugurées dans des circonscriptions UMP.Parce que si Copé n’hésite pas à faire entendre régulièrement sa différence, il est aussi capable de mettre toute son énergie dans la défense d’un projet élyséen. Comme pour la réforme de la Constitution, dans laquelle il s’est engagé corps et âme pour convaincre les députés récalcitrants de voter oui, à Versailles, en juillet 2008.
S’afficher comme proche de Copé n’est donc plus un signe de défiance à la “Sarkozie”. C’est toute la tactique du patron des députés, se démarquer, exister tout en ne manquant pas d’apporter régulièrement un soutien sans faille au président. À l’Assemblée, l’ancien ministre chiraquien Christian Jacob, également président délégué de Génération France, est l’un des piliers de ce que l’on appelle maintenant le “clan Copé”. Sarkozy a bien tenté de récupérer Jacob, en lui proposant un poste ministériel, lors du dernier remaniement. Refus catégorique de l’intéressé. Pourtant, notent les auteurs, « le président lui sort le grand jeu, l’appelle directement, le fait recevoir à Matignon par Fillon ». Jacob,qui aurait été considéré comme une belle prise, preuve que le “clan” et les réseaux Copé ne sont plus, comme s’inquiétait un parlementaire, sous-estimés par l’Élysée.Par Josée Pochat.Le 14/1/2010

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