mercredi 10 février 2010

Monde Arabe:Menace d’Attaque Israélienne Contre La Syrie… Ou Contre Le Liban ?



"...Si une guerre Israël Syrie n’est sur l’agenda de personne, pourquoi les tambours de guerre ont -ils retenti la semaine dernière ?..."

La semaine dernière, le Moyen Orient semblait s’orienter vers une crise, avec des menaces de guerre échangées entre Israël et la Syrie. Le ministre des affaires étrangères israélien, Avigdor Lieberman, a déclenché les hostilités jeudi en disant que, si une guerre éclatait, les syriens perdraient, provoquant une réaction prompte du ministre des affaires étrangères syrien, Walid al-Mouallem, disant que la Syrie n’épargnerait pas les villes israéliennes.

Il a décrit les Israéliens comme des « voyous » et dit qu’une nouvelle guerre régionale tuerait toute chance de retour à un processus de paix. Le premier ministre syrien, Mohammad Naji Otari, a fait des déclarations identiques, disant qu’Israël regretterait une guerre contre la Syrie, tandis que le ministre de la défense israélien, Ehud Barak, disait à ses troupes de se préparer pour la guerre si les efforts de paix échouaient.

Le premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou a essayé de dissiper la crise en disant lundi que la guerre n’était pas imminente. Parlant au cours de la réunion hebdomadaire de son cabinet, Netanyahou a dit qu’Israël désirait la paix « avec tous ses voisins » ajoutant : « nous l’avons faite avec l’Egypte et la Jordanie, nous voulons obtenir des accords identiques avec les Palestiniens et les Syriens. J’espère que nous sommes sur le point de renouer les négociations avec les Palestiniens, et nous sommes ouverts à une réouverture du processus avec les Syriens aussi. »

Une lecture rapide de l’histoire du Moyen Orient prouve que quand de tels échanges sont répercutés dans les médias de masse les chances d’une véritable guerre sont en fait très minces. Des pays en état permanent de guerre n’informent pas leurs adversaires avant d’attaquer, préférant surprendre leurs ennemis en les attaquant plutôt que de les prévenir, comme cela a été le cas lors de la guerre d’Octobre 1973 ( Les pays arabes, Egypte, Syrie, ont attaqué Israël par surprise, provoquant une vague de panique et de sérieux revers israéliens les premiers jours obligeant les Américains à venir d’urgence en aide à Israël avec un pont aérien pour l’approvisionner en armes et munitions ndlt).

Si une guerre Israël Syrie n’est sur l’agenda de personne, pourquoi les tambours de guerre ont -ils retenti la semaine dernière ?

L’une des raisons c’est que les partisans de la ligne dure au sein du cabinet Netanyahou comme Lieberman, qui ne croit absolument pas au processus de paix, aimeraient voir Israël se lancer dans une guerre avec un ennemi traditionnel comme la Syrie. Ils accusent la Syrie d’un bon nombre d’échecs des Israéliens et de sa défaite lors de la guerre du Liban de 2006 et de la guerre de Gaza en 2008-2009.

Lieberman qui a peu d’influence en matière de paix et de guerre, se sent de plus en plus écarté par Netanyahou et Barak, car ce sont effectivement ces deux hommes qui dirigent la politique étrangère d’Israël, bien que Lieberman reste officiellement ministre des affaires étrangères. Mais la position dure de Lieberman place Israël dans une dangereuse situation de collision avec tout le voisinage arabe. Des hommes d’état plus sages et plus expérimentés comme le président Shimon Peres et le premier ministre ne veulent certainement pas d’une guerre avec la Syrie sachant combien pénible ce serait d’avoir des missiles syriens s’abattant sur des villes israéliennes.

Ils comprennent qu’une telle guerre mettrait en colère des poids lourds tels que l’Arabie Saoudite, l’Iran et la Turquie, isolant Israël au sein de la communauté internationale. L’état d’Israël n’a pas encore récupéré de la très mauvaise publicité faite par le rapport Goldstone établi à la demande de l’ONU qui accuse les forces armées d’Israël - de même que le Hamas - de crimes de guerre dans Gaza en 2008. C’est une chose de justifier une guerre contre des entités non étatiques comme le Hezbollah et le Hamas, avançant un argument qui est facilement vendable auprès du public israélien, mais c’est complètement différent de le faire en ce qui concerne un poids lourd régional puissant telle que la Syrie.

Autre raison pour laquelle cette rhétorique de guerre est liée directement au Liban. Pendant des mois, le monde a observé les menaces échangées entre Israël et le Hezbollah. Beaucoup pensent que la guerre de 2006 n’est pas terminée, compte tenu du fait qu’aucun des objectifs déclarés d’Israël n’a été atteint. Israël avait promis de libérer deux soldats capturés par le Hezbollah et d’exterminer le groupe libanais, qui depuis 1982 est une épine dans le pied d’Israël.

Non seulement Israël a échoué dans ses objectifs cités ci-dessus, mais le Hezbollah, loin d’avoir été affaibli, est sorti renforcé de la guerre de 2006, plus fort qu’avant, à la fois en terme de popularité dans la rue arabe et musulmane, et en terme de puissance militaire. Il a remporté tous ses sièges contestés lors des élections parlementaires de 2009 et a obtenu tout ce qu’il voulait dans le cabinet du premier ministre Saad Hariri, formant une représentation forte avec son allié, le Free Patriotic Movement du Général Michel Aoun.

Netanyahou, qui préconise une guerre avec l’Iran, ne supporte pas l’existence du Hezbollah. Un tel puissant groupe au Moyen Orient, si indépendant du contrôle des US et si dangereux pour l’état d’Israël, c’est un cauchemar pour le public israélien. En ne gagnant pas en 2006, beaucoup d’Israéliens pensent qu’Israël a perdu la guerre avec le Hezbollah.

En 1973, le premier ministre Golda Meir avait été obligée de démissionner, non pas pour avoir perdu une guerre contre la Syrie et l’Egypte, mais pour ne pas l’avoir gagnée. C’est ce qui s’est passé avec l’ex premier ministre Ehud Olmert qui n’a pas gagné la guerre du Liban en 2006 ni celle de Gaza en 2008-2009.

Netanyahou a besoin d’une autre salve avec le Liban pour corriger les erreurs commises par l’armée sous son prédécesseur. Non seulement cela lui donnerait du pouvoir au niveau domestique et au niveau international mais cela le renforcerait dans toute négociation de paix que lui imposeront les US.

Des hauts responsables israéliens sont donc tentés par une nouvelle guerre contre le Liban. Ils ont lancé un ballon d’essai pour voir la réaction du Hezbollah face à des menaces et ont reçu une réponse très agressive du dirigeant du Hezbollah, Hassan Nasrallah, qui répondant du tac au tac de manière tonitruante a répété les menaces faites précédemment qu’il était prêt à frapper « Haifa et au delà de Haifa » se référant à la ville portuaire israélienne située au Nord.

En Israël même il y a une opinion largement répandue comme quoi il y aura bientôt une guerre avec le Hezbollah. Cependant, il y a des craintes que le moment ne soit pas propice, ne sachant pas comment l’Iran réagira si un tel conflit éclate, sachant aussi que les US ne sont pas très enthousiastes pour une telle aventure, avec leurs troupes encore en Irak et en Afghanistan. Par conséquent pour détourner l’attention de la situation potentiellement explosive, aux frontières Israël Liban, des hauts responsables israéliens ont décidé de lancer des menaces en l’air contre les Syriens - pas vraiment convaincus cependant qu’ils voulaient ou étaient capables d’une nouvelle guerre contre Damas.

Ceci dit, personne ne peut écarter la possibilité d’une autre guerre contre le Liban, que de nombreux analystes prévoient pour l’été prochain. Une guerre contre la Syrie serait cependant trop dangereuse pour Israël et trop coûteuse pour le Moyen Orient.

Sami Moubayed editeur en chef du Forward Magazine - Damas 09/02/2010 www.atimes.com

http://www.atimes.com/atimes/Middle_East/LB09Ak02.html

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