samedi 20 février 2010

Le coup d'Etat au Niger marque le début d'une offensive stratégique chinoise



Tout indique que la Chine vient de lancer sa campagne stratégique pour l'année 2010. Plusieurs informations ces dernières semaines annonçaient en effet une action majeure du géant asiatique sur le continent africain. La raison de cette offensive ? La compétition mondiale autour des matières premières.

La Chine, deuxième plus grand consommateur d’énergie du monde, avait annoncé début janvier 2010 qu’elle participerait désormais "très activement" à la compétition mondiale pour le pétrole, le gaz naturel et des ressources minérales. Ainsi, le pays devait intensifier le développement de ses approvisionnements à l’étranger afin d’assurer des provisions d’énergie "stables" pour sa croissance économique. C’est Zhang Xiaoqiang, vice-président du Développement national et la Commission de Réforme, qui avait annoncé ce renforcement de l’activité chinoise dans le domaine des matières premières. Ultime précision : la Chine allait intensifier ses investissement à l’étranger, notamment pour développer des infrastructures dans "les pays clés" qui possèdent des réserves de ressources naturelles et ont "une relation amicale" avec la Chine.

C'est dans ce cadre qu'il convient de replacer les événements récents au Niger. Le président en exercice, Mamadou Tandja, ainsi qu'une partie du gouvernement, ont été capturés par des mutins. La junte responsable du coup d'Etat est présidée par Salou Djibo, officier de 49 ans qui a servi dans les forces de l'Onu en Côte d'Ivoire et en République démocratique du Congo. Il a également suivi des formations militaires au Maroc et en Chine, et commandait la garnison de Niamey.

Début janvier 2010, le géant français du nucléaire, Areva, avait annoncé la conclusion d'un accord d'exploitation semi-exclusif des énormes gisements d'uranium d'Imouraren. Cet accord était la conclusion de deux années de longues et laborieuses négociation entre la France et le Niger. Durant tout le temps des négociations la diplomatie française avait du déployer des trésors d'énergie pour empêcher le président Mamadou Tandja de se jeter dans les bras de la Chine.

La nouvelle compagnie, détenue à 66,65% par Areva et à 33,35% par le Niger, doit normalement démarrer l'exploitation du gisement d'Imouraren en 2012. Cette exploitation devait permettre au Niger de devenir le deuxième producteur mondial d'uranium. Quant à la France, cet accord lui assurait son indépendance énergétique. La question est donc de savoir à qui profite ce putsch ? La junte au pouvoir va-t-elle appliquer cet accord ou se tourner vers de nouveaux partenaires ? Tous les yeux se tournent vers Pékin qui n'a pas condamné officiellement ce coup d'Etat contrairement à Paris ou Washington.

Toujours dans le cadre d’assurer des provisions d’énergie "stables" pour sa croissance économique la Chine avait également fait une autre annonce spectaculaire au début de cette année. Un haut-responsable de la marine chinoise avait proposé d’installer une base permanente. Officiellement pour soutenir les navires participant à la mission de lutte contre la piraterie dans le golfe d’Aden, soulevant l’idée que la Chine pourrait construire des bases ailleurs. Une grande première.

Dans un entretien publié sur le site du ministère chinois de la défense, Yin Zhuo — un amiral et chercheur au Centre de recherche pour l’équipement de la marine — avait expliqué qu’une telle base soutiendrait la participation à long-terme de la Chine à l’opération : "Nous ne disons pas que nous avons besoin que notre marine aille partout pour accomplir nos engagements internationaux. Nous disons que pour accomplir nos engagements internationaux, nous avons besoin de renforcer notre capacité de soutien. Si la Chine établit une base de ravitaillement de ce type, je pense que les pays de la région et ceux participant à la lutte contre la piraterie, le comprendront". Il a ajouté qu’il savait que les bâtiments chinois si près du Golfe avaient provoqué des soupçons, mais qu’il croyait que d’autres pays comprenaient que les intentions de Pékin étaient de lutter contre la piraterie.

En vérité les intentions chinoises ne trompent personne. La création d'une ou de plusieurs bases navales permanentes (un peu sur le modèle des Etats-Unis) n'a rien à voir avec la piraterie le long des côtes de la Somalie mais a pour but de contrôler et de protéger ses voies de communication maritime. La liste des bases navales potentielles ne laisse planer aucun doute à ce sujet : Pakistan, Bangladesh, Cambodge, Myanmar, Thaïlande et en mer de Chine du Sud. L'objectif est également de disposer de forces militaires à proximité du continent africain où les intérêts chinois sont de plus en plus importants.

La Chine vient d'entrer dans l'année du Tigre. Elle vient de sortir ses griffes.

David Bescond pour Rebelles.info

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